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Jaguar MK II, l’une des berlines les plus rapides de l’époque, sauvée de la casse tunisienne

« Pourvu qu’elle ne s’échappe pas »

C’est ce que doivent se dire sûrement tous ceux qui, en sortie de courbe, flirtent un peu trop avec la pédale d’accélérateur de la MK II. La berline de luxe, propulsée par respectivement 210 et 220 étalons dans ses versions 3,4 l et 3,8l  avait des performances que même certaines voitures de sport de l’époque enviaient. Ce qui lui a valu notamment 4 victoires au Tour de France.

L’héritière de la MK I, première voiture de la marque à adopter une structure monocoque et 4 freins à disque, était disponible en 3 motorisations différentes : 2,4L, 3,4L et 3,8L. Deux types de transmission étaient disponibles au catalogue, manuelle, avec ou sans overdrive, ou automatique.

Les 3,4L et 3,8L sont celles qui ont donné les lettres de noblesse au modèle de la marque. On a reproché à la 2,4L, son manque de puissance et une certaine insipidité.

L’idée de placer un moteur de course dans une Berline ne date donc pas d’hier. En effet, sous le capot on retrouve le même moteur XK, à quelques modifications près (carter humide, narrow angle…) que les Jaguar Type C et Type D vainqueurs aux 24 heures du Mans dans les années 50.

Malgré un poids avoisinant 1400KG, la berline pouvait atteindre 201 Km/h chrono et abattait le 0 à 100 km/h en 8,4s. Pas mal pour une voiture de 1959. C’est essentiellement pour cette raison que les organisations criminelles et les forces de l’ordre en avaient fait leur voiture fétiche. En effet peu de voitures pouvaient prétendre rattraper ou échapper à une Jaguar MK II.

La puissance et la ligne ne devaient pas faire oublier le raffinement de l’intérieur : cuir Connolly, Noyer Vernis, moquette épaisse et tablette rabattable pour les personnes ayant eu la chance de monter à l’arrière.

Cette combinaison de sportivité et de luxe fera d’elle la référence des berlines de sport et ce jusqu’aux années 70 avec l’apparition des berlines allemandes.

Les designers de chez Jaguar s’en inspireront très largement en 1999, pour la conception du nouveau modèle S-type. La calandre, les feux, et les traits de la voiture sont repris à sa grande sœur.

Le véhicule présenté ci-dessous, sorti des usines le 1er mai 1963, est l’une des deux seuls MK II en état de rouler en Tunisie. Cette Jaguar MK II 3,4L, reconnaissable à son écusson rouge sur la calandre*, a été retrouvée dans les années 80 dans un piteux état. Grâce à des talents tunisiens dont le regretté M. Mongi Guerafi, qui a supervisé les travaux de fond en comble, elle a pu être sauvée de la casse.

La collecte des pièces indispensables à la reconstruction de l’auto puis leur montage se sont étalés sur une période allant de 1989 à 2006. Cette mark 2 ayant perdu son moteur, sa boite de vitesses (et donc son overdrive) son arbre de transmission il a fallu en trouver d’autres. Il a fallu non seulement s’astreindre à trouver un ensemble moto-propulseur de 3,4 litres mais également s’engager à le choisir dans la série dans laquelle se trouvait son moteur d’origine.

Le tableau de bord avait disparu, les boiseries de portières étaient présentes mais étaient dans un état qui excluait leur réutilisation. Un artisan anglais fut donc commis pour tout refaire à l’identique. Son degré de compétence fut révélé par l’anecdote suivante : à la tentative d’attirer son attention sur le fait que le tableau de bord ne nécessitait qu’un seul trou dans la partie gauche du bois, il rétorqua : « bien sûr ! Les 3,4 et les 3,8 ont un starter automatique. Seules les 2,4 ont un témoin de starter duquel est destiné le deuxième trou ».

Le cuir des sièges était irrécupérable, ainsi d’ailleurs que les garnitures de portières, les moquettes et les divers insonorisants. Le tout fut commandé à une maison anglaise spécialisée dans la refabrication des intérieurs de Mk 2, Type E, Mark VII, Mark VIII et Mark IX.

Quant à la tôle, elle inspirait pour une voiture monocoque les plus vives inquiétudes. Il fallait découper, ressouder, remplacer, réaligner. Le masticage de la carrosserie fut exclusivement fait à l’étain.

La couleur de carrosserie fut choisie dans la gamme Jaguar : le « mineral blue ref 311 », fut associé avec l’intérieur en cuir Connolly de couleur « biscuit ».

La voiture est équipée de roues à rayons avec écrou central Rudge, d’origine, mais en option à l’époque.

Voilà donc la preuve, que la volonté peut faire des miracles.

Quelques chiffres notables :

Moteur : 6 cylindres en ligne de 3781cm3 (pour la version 3,8L)

Puissance : 220 chevaux

Vitesse maximale : 201 Km/h

Production : 83 976 exemplaires toutes motorisations confondues entre 1959 et 1967.

*Ecusson noir et rouge pour le 2,4l ; rouge pour la 3,4L ; rouge et blanc pour la 3,8L.